Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/278

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clarté douteuse qu’éteignait le vent, et qui pendant tant de siècles fut le seul éclairage de la grande ville.

Ce furent nos troubles politiques qui éteignirent les falots. La Ligue vint : toute prescription tomba en désuétude, et, pour mieux faire acte d’indépendance, chacun s’empressa de désobéir aux lois. Ce que fut Paris à cette époque, ce que l’obscurité des rues pendant la nuit ajoutait à l’impunité qu’on laissait volontiers à toute violence, le journal de l’Estoile nous l’a raconté. Les chandelles paraissent mortes pour toujours ; on est plus d’un siècle sans en entendre parler. Sous le règne de Henri IV, sous la régence, sous Louis XIII, pendant la Fronde, nul soin public à cet égard ; on marche à l’aveuglette, Paris ne s’est pas encore rallumé. La nuit, les gens riches sortent escortés de laquais portant des torches, les bourgeois s’en vont la lanterne à la main, les gens pauvres se glissent à tâtons le long des murailles. Les guerres, les discordes civiles ont jeté sur le pavé des troupes de malandrins qui s’embusquent au coin des ruelles sordides où l’on pataugeait alors, et font main basse sur les passants attardés. Nous ne voyons guère ce temps qu’à travers des récits romanesques et les aventures peu édifiantes où excellaient les coureuses de la Fronde. Ce fut une époque misérable entre toutes ; Paris était un cloaque sans lumière et sans eau, il n’y avait que de la fange. « Nous sommes arrivés à la lie de tous les siècles, » dit Guy Patin.

Ce fut un abbé napolitain nommé Laudati Caraffa, qui, s’apercevant que les Parisiens n’avaient pour se guider la nuit que

Cette obscure clarté qui tombe des étoiles,


dont le Cid a parlé, imagina un moyen de s’enrichir tout en aidant les Parisiens à sortir le soir sans trop de malencontres. Il obtint le privilège exclusif d’établir à