Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tra (le défaut de finances), secours si nécessaire dans une entreprise sujette à beaucoup d’avances pour faire des essais multipliés. Le produit de mon cabinet de secrétaire-interprète du roi ne suffisant pas, je fis des emprunts. Ces sacrifices furent d’autant plus indispensables de ma part, qu’ayant prié la compagnie de bienfaisance (1er mai) connue sous le nom de Société philanthropique, de m’avancer à cet effet les fonds dont j’avois besoin et de me confier l’éducation de douze pauvres enfants aveugles qui étoient au nombre de ses pensionnaires, elle en fut détournée pendant quelque temps par l’annonce qu’on lui fit de moyens bien supérieurs aux miens, pour l’instruction des enfants qui seroient tout à la fois aveugles-nés ainsi que sourds-muets (1784, décembre 5). C’est ce qu’attestent le Journal de Paris du 5 décembre 1784 et autres écrits publiés postérieurement.

Je commençai donc mon institution avec un seul sujet (le nommé Le Sueur), pauvre aveugle demandant à la porte d’une église. J’eus soin avant tout de lui assurer tout au moins l’équivalent de ce que lui accordait par jour la bienfaisance publique. Puis je lui mis entre les mains une petite machine fort simple à faire du ruban, qu’un voyageur avoit rapportée d’Angleterre. Ensuite, voulant l’essayer par d’autres parties d’éducation, je lui appris à lire, à écrire, à compter, à imprimer, à déchiffrer la musique et appliquer au piano à l’aide d’un maître les principes de cet art. Je joignis à ces premières connaissances celles de la grammaire, de la géographie et de l’histoire, etc.

Des livres de morale et de religion furent la base de sa bibliothèque (1785, janvier). Ce fut alors que la Société philanthropique me confia l’éducation de ses douze pauvres enfants aveugles. À peine les premiers succès de cette institution furent-ils connus, que des journaux en rendirent un compte favorable. L’Académie des sciences examina mes procédés et m’en délivra des rapports avantageux. Les encyclopédies française et anglaise en firent mention au mot Aveugles,

(1786, décembre 11.) S. M. feu le roi Louis XVI, informée par différents seigneurs de sa cour de la naissance de cette institution, me fit transporter avec mes vingt-quatre premiers élèves en son château de Versailles ; nous y garda quinze jours (26) ; vit deux fois l’exposition de leurs moyens d’industrie ; la première seule, la seconde environnée de toute sa cour, aux yeux de laquelle ce bienveillant monarque daigna même m’aider à les faire valoir. Sa Majesté voulut bien accepter la dédicace de mon Essai sur l’éducation de mes intéressants élèves, leur donna un premier témoignage de sa bienfaisance et nous fit reconduire à Paris, où elle fonda la première institution royale des aveugles travailleurs. À la prière de ces infortunés, présentée au roi par M. le duc de Villequier, Sa Majesté daigna promettre de m’honorer du premier cordon de Saint-