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latinité. Cependant, beaucoup d'ouvrages et une foule de documents publics et privés étaient écrits dans cet idiome incorrect et barbare, désigné sous le nom de mediœ et infimœ latinitatis. Scaliger avait tracé le plan d'un glossaire de cette nature Meursius l'avait commencé, Spelman et Vossius réunirent un grand nombre de mots, mais aucun de ces lexicographes n'avait pu mener à fin cette colossale entreprise. Du Cange était seul capable de composer ce dictionnaire. Il possédait une immense érudition, une excellente méthode, un esprit clair et un infatigable amour de l'étude.

« On est effrayé seulement quand on pense qu'il a fallu que ce savant lût et relût plus de six mille écrivains dont les ouvrages ne présentaient de la langue latine tout au plus qu'une terminaison vicieuse quand on pense que ce savant a non-seulement remonté jusqu'à l'étymologie de toutes ces expressions corrompues, mais qu'il en a suivi les variations, qu'il en a donné toutes les explications, qu'il en a fourni les diverses acceptions. Au reste, ce n'est là, pour ainsi dire, que le mérite grammatical de l'ouvrage de M. Du Cange. Un dictionnaire d'une langue ancienne, et surtout d'une langue dégénérée, paraît ne devoir être qu'une nomenclature vide de choses c'est ordinairement un tombeau obscur, qui semble ne pouvoir renfermer que des cendres froides. Le Glossaire latin de M. Du Cange a conservéde la lumière, on pourrait dire de la chaleur. « Cent quarante mille passages nourrissent le « corps de ce grand ouvrage. » La préface seule est un prodige de travail et d'érudition c'est la porte qui annonce un édifice immense, hardi, riche, bien ordonné, et qui annonce mieux encore le génie de l'architecte le plus habile. Il cherche cependant à en dissimuler le mérite. Sous le titre simple de Glossaire, M. Du Cange avait caché modestement d'excellents traités sur presque toutes les sciences. Il semble qu'il ne lui suffise pas d'avoir tenté de diminuer l'éclat de tant et de si belles dissertations, que la vanité de tant d'autres écrivains eût tâché d'augmenter son humilité prétend que les autres lisent pour tirer des livres ce qu'il y a de bon, mais que pour lui il ne les a lus que pour en prendre ce qu'il y a de mauvais que les autres font leur travail sur les plus belles pensées, mais que pour lui il ne s'est attaché qu'à des mots corrompus qu'enfin les autres imitent les abeilles, mais que pour lui il a contrefait l'araignée ou la sangsue. Ce qu'il dit est vrai sans doute, et n'en est pas moins l'éloge de son travail. Mais nous dirons encore plus vrai, en ajoutant qu'il a communiqué