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à ce qu’il appelle les méchants extraits, une bonté plus utile que celle qui se rencontre dans les meilleurs morceaux des auteurs les plus brillants. Aussi M. Du Cange est-il bien plus que ce qu’il a voulu paraître ; et celui qui ne s’est donné que pour un simple philologue se trouve le critique le plus éclairé, l’historien le plus sûr, enfin le savant le plus universel et le plus profond. O vous, qui devez toute votre science à M. Du Cange ; ô vous, cénobites savants, qui dans son ouvrage avez appris à le continuer, à l’augmenter, à le corriger même ; ô vous tous enfin, qui ne deviendrez savants qu’en lisant et relisant jour et nuit le Glossaire latin, attestez la profondeur et l’étendue des connaissances de son auteur. Et quand vous n’en connaîtriez que cet ouvrage, mettez-le, sans aucune prévention nationale, au-dessus de tous les savants de notre âge et même au-dessus des savants des autres siècles ([1]). »

Cet éloge a été ratifié par tous les savants, et, de nos jours encore, le Glossaire de Du Cange est considéré comme un prodige d’érudition. Cette œuvre seule suffisait à sa gloire mais il ne se borna pas à ce travail, et il en prépara un semblable pour la langue grecque, devenue, elle aussi, rustique. Dans ce vocabulaire, il ne se borne pas à donner la véritable signification des mots ; il fait connaître la religion de l’empire grec et sa liturgie, sa jurisprudence et ses lois, la tactique et les armes ou les machines de guerre, la médecine et la botanique avec leurs termes originaux recueillis dans les manuscrits arabes, la chimie et les mathématiques avec leurs signes et leurs hiéroglyphes, la numismatique et toutes ses branches, l’archéologie, enfin l’histoire de l’empire d’Orient. Cet ouvrage mérite ainsi d’être placé à côté du Glossaire latin, et a valu à son auteur les louanges les mieux méritées. En voici une des plus délicates. C’est un distique composé par de la Monnaie, auteur de poésies latines estimées :

Ausonios postquam graiosque effusa per agros
Barbaries Romam pressit utramque diu,
Cangius hanc vinclis qui tandem et carcere frænet,
Res mira ! e Gallis ecce Camillus adest.

Rien n’était superficiel chez Du Cange ; il savait approfondir un sujet et il ne l’abandonnait qu’après l’avoir complètement étudié. C’est ce qu’il fit pour l’histoire byzantine. Nous lui devons une histoire de Constantinople sous les empereurs français ; des notes et des éclaircissements sur la conquête de Constantinople

  1. (1)Éloge de Du Cange qui a remporté le prix à l’académie d’Amiens en 1764.