Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand avec ses amis, tome 1.djvu/266

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non plus de recevoir aujourd’hui de vos nouvelles ; la poste cependant vient ici et part tous les jours, tout le monde au moins m’en assure. Je crois que vous supportez patiemment mon absence ; mais ce que je ne veux point croire, c’est que vous ne souhaitiez pas mon retour ; je n’écouterai sur cela aucune idée triste : ce que j’ai sous les yeux est trop peu agréable pour y ajouter encore des malheurs qui seraient peut-être chimériques. Vous me direz pour me rassurer tout ce qu’il faudra me dire, et je me laisserai volontiers persuader. Bonjour, je vous souhaite autant de plaisir que j’ai d’ennui.




LETTRE 10.


LA MÊME AU MÊME.


Jeudi 5 juillet.

Enfin, me voilà débredouillée de toute façon. Premièrement, pour suivre les dates, ce que j’attendais est arrivé cette nuit, je m’en porte bien et je serai, Dieu merci, en état de commencer mes eaux, dimanche ou lundi. Secondement, j’ai reçu deux lettres pendant mon dîner. Ne croyez point que j’en use comme avec les romans, ce n’est qu’eux que je prends par la queue ; je les ai lues selon leur rang : celle de lundi est ravissante, elle m’a fait désirer plus vivement Formont ; car c’est un surcroit de plaisir que de lire avec quelqu’un des choses gaies et agréables. Notre Pecquigny n’a pas ce genre-là, elle n’y entendrait rien ; elle veut toujours savoir qui l’a pondu, qui l’a couvé : c’est-un esprit profond, mais nullement gracieux. Faites-moi des récits sans fin, sans cesse : c’est une œuvre de charité ; si cela ne vous divertit pas, faites-vous-en un devoir, et ce sera le mieux pour moi ; car je sais avec quel acharnement vous les remplissez. Ce que vous me mandez du pauvre Mertrud m’afflige et m’inquiète ; vous n’êtes pas homme à oublier que vous m’en avez parlé, et à ne m’en plus rien dire, si vous en aviez des nouvelles ; il faut de la suite dans vos lettres ; pour les miennes, elles ne doivent et ne peuvent être que des bâtons rompus. Je n’ai pas le courage de vous parler de nos compagnies, il n’y a pas le mot pour rire ; je ne sache que Pallu[1] qui en pût tirer parti pour en faire une lettre plaisante. Je ne saurais étudier

  1. Ami du président Hénault, conseiller au Parlement, maître des requêtes, intendant, etc. (L.)