Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/210

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nous eûmes à grimper une montagne fort escarpée, dont le chemin est une rampe tortueuse, et si raide, qu’on a été obligé de la tailler en plusieurs endroits en forme d’escalier. Il a même fallu couper le haut de cette montagne, qui est de roc, à la profondeur d’environ quarante pieds, pour y ouvrir un passage de l’autre côté.

Quoique les montagnes, au travers desquelles nous passâmes, soient incultes et affreuses, les intervalles qui se trouvent entre deux, sont cultivées, et couvertes d’un aussi beau riz, que l’étaient celles des vallons fertiles, dont j’ai parlé plus haut.

En entrant dans la ville de Nan hiong, je trouvai plusieurs chrétiens qui me conduisirent à l’église. Je me rendis sur le bord de la rivière, où nos barques étaient toutes prêtes. A peine y fûmes-nous embarqués, qu’outre les Tie tse ou billets de civilités, et les présents des mandarins du lieu, on nous en présenta deux autres de chacun des quatre premiers mandarins de la province de Quang tong, qui nous faisaient présent de toutes sortes de rafraîchissements.

Comme nous descendions la rivière, nous fîmes cette nuit-là, et le jour suivant, environ trente lieues jusqu’à Chao tcheou fou où les missionnaires français avaient une église, que j’allai visiter. Tong lao yé, dont la barque était plus légère que la mienne, m’avait devancé, et j’appris en arrivant qu’il m’attendait au tribunal du mandarin de la douane son ami ; je m’y rendis pour lui faire plaisir, et m’étant excusé du repas qu’il nous avait préparé, nous allâmes nous embarquer.

Nous fîmes cette nuit-là et le jour suivant environ vingt lieues jusqu’à In te hien, où nous arrivâmes vers midi ; nous marchâmes encore jour et nuit, et nous fîmes vingt lieues jusqu’à Tçin yuen hien, où nous arrivâmes le 20 au matin. Nous trouvâmes toujours la rivière bordée des deux côtés de montagnes incultes et escarpées, et très peu d’habitations au pied de ces montagnes, mais au-delà tout est fort habité, et très bien cultivé.

Depuis Tçin yuen hien jusqu’à Quang tcheou fou, ou Canton, dont l’intervalle est de près de quarante lieues, ce que nous fîmes depuis le 21 au matin jusqu’au 22 au soir, tout le pays est assez plat et fort cultivé ; la campagne est toute couverte de long yen et de li tchi : ce sont deux sortes d’arbres fruitiers singuliers à la Chine, et qu’on ne trouve en aucun lieu du monde, excepté dans les provinces de Quang tong et de Fo kien.

Environ à quatre lieues de Quang tcheou nous passâmes par Fo chan un des plus gros bourgs de la Chine, où l’on prétend qu’il y a plus d’un million d’âmes. Nous y avions une église et une chrétienté d’environ dix mille âmes, que le père Turcotti jésuite milanais cultivait avec un grand zèle.

Depuis Nan hiong jusqu’à Quang tcheou, vis-à-vis de la plupart des tang ou corps de garde par où nous passâmes, étaient des galères parées de leurs enseignes et banderolles, et occupées par des cuirassiers avec leurs lances, leurs flèches, et leurs mousquets, rangés en haie pour nous faire honneur.

A deux lieues de Quang tcheou, l’yuen yuen, ou intendant général de la province pour le sel, vint au-devant de nous ; il nous invita à passer sur