Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/354

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fort commun pendant l’été, parce qu’elles sont à bon marché, et d’une propreté achevée.

Les ouvriers de la ville, dont le nombre est presque incroyable, ne suffisent pourtant pas pour le commerce qui s’y fait : on a établi une si grande quantité de manufactures à Fo chan, que ce bourg est devenu célèbre dans toute la province.

Fo chan n’est qu’à quatre lieues de Canton : dans le temps des troubles, dont cette grande ville fut agitée, le trafic se transporta dans cette bourgade, qui a au moins trois lieues de circuit, qui est d’un très grand abord, et qui ne cède en rien à Canton ni pour les richesses, ni pour la multitude de ses habitants, qu’on dit cependant être de plus d’un million d’âmes.

C’est à Canton que réside le viceroi ; le ressort de cette capitale comprend dix-sept villes, dont une est du second ordre, et les seize autres du troisième.

Il n’y a guère de spectacle plus charmant que celui qui se présente à la vue, lorsqu’on entre dans la rivière qui conduit à cette belle ville : tout est varié, tout est riant ; ce sont des prairies à perte de vue d’un vert exquis, ce sont des bocages ou de petits coteaux qui vont en amphithéâtre, et sur lesquels on monte par des degrés de verdure faits à la main ; tantôt on voit des rochers couverts de mousse, tantôt des villages qu’on découvre entre de petits bois ; ce sont quelquefois des canaux qui forment des îles, ou qui se perdant dans les terres, laissent voir des rivages d’une beauté vive et naturelle : tout ce paysage est enchanté.

On entre ensuite dans une grande ville, qui est comme composé de trois villes différentes, séparées par de belles et hautes murailles, mais tellement jointes, que la même porte sert pour sortir de l’une, et rentrer dans l’autre : le tout forme une figure à peu près carrée.

Le circuit ne le cède pas beaucoup à celui de Paris : ceux qui sont éloignés du centre, marchent quelquefois une heure entière en chaise pour faire une visite : il n’y a cependant ni vides, ni jardins fort spacieux : on y voit seulement d’assez belles places, qui ont leur agrément.

Les rues sont longues, droites, pavées de pierres de taille fort dures, et assez étroites, à la réserve de quelques-unes plus larges, où l’on trouve de distance en distance des arcs de triomphes : il y en a de couvertes, où sont les plus belles boutiques. Les maisons n’y sont rien moins que magnifiques : elles sont presque toutes des rez de chaussée, bâties de terre avec des accompagnements de briques, et couvertes de tuiles.

Dans les rues tout est boutique, et il y règne une grande propreté. Les honnêtes gens se sont porter en chaise ; le peuple remplit les rues, surtout les portefaix, la plupart nus pieds et jambes nues, et même nue tête, ou avec un chapeau de paille d’une vaste circonférence, et d’une figure assez bizarre, pour se garantir de la pluie, ou des ardeurs du soleil. On trouve presque tous ces pauvres gens chargés de quelque fardeau ; car il n’y a point d’autre commodité pour voiturer ce qui se vend et ce qui s’achète, que les épaules des hommes.

Si les maisons des particuliers n’ont rien de remarquable que leur propreté,