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YEOU VANG. Douzième empereur.
A régné onze ans.


Ce prince n’eut aucune des bonnes qualités qu’on admirait dans son père, et eut de grands défauts, qui lui attirèrent le mépris de ses peuples ; entre autres il se laissait tyranniser par une passion, qui fut la cause de sa perte, et qui devint l’occasion de grands troubles dans l’empire. Il aimait éperdument une concubine nommée Pao ssée, et cet amour l’aveugla à un point, qu’il répudia l’impératrice, avec le fils qu’il avait eu de cette princesse, et qui était le légitime héritier de l’empire, pour mettre à sa place celui qui était né de sa concubine. Ce prince déshérité, se retira avec la mère chez son oncle, qui avait une principauté dans la province de Chen si.


Cycle XXVII. Année avant J. C. 777.

Cependant Yeou vang tout occupé de sa tendresse pour Pao ssée, ne goûtait qu’à demi le plaisir de la posséder, parce qu’elle était naturellement triste et mélancolique. Il avait recours à toutes sortes de moyens, pour lui inspirer de la gaieté, et l’exciter à rire.

Il faisait alors la guerre aux Tartares occidentaux, et il avait donné ordre aux soldats, qu’aussitôt qu’ils apercevraient des feux allumés, ils prissent incontinent les armes, et se rendissent auprès de sa personne.

Ce signal, qui ne devait se donner que dans la nécessité, lui parut propre à servir d’un jeu capable de réjouir l’objet de ses complaisances : il le faisait souvent donner sans raison ; l’empressement des soldats à se rendre auprès de l’empereur, et à combattre pour sa défense ; et ensuite la honte et la surprise où ils étaient de s’être donné tant de mouvements inutiles, devenaient un spectacle divertissant pour cette femme.

Elle avait un autre plaisir assez bizarre, c’était d’entendre le bruit des étoffes de soie qu’on déchire : l’empereur, pour lui complaire, s’abaissait jusqu’à en déchirer continuellement en sa présence.

Néanmoins il n’était pas content que son fils l’eût abandonné, et il envoya ordre à son frère de le lui rendre au plus tôt. La réponse qu’on lui fit de ne le lui renvoyer, que quand il serait reconnu pour le légitime héritier de l’empire, irrita tellement Yeou vang, qu’à l’heure même il déclara la guerre à son frère.

Ce prince n’étant pas en état de résister aux forces de l’empereur, se joignit aux Tartares, et vint pendant la nuit attaquer le camp impérial. On alluma promptement des feux : mais les soldats qui avaient été trompés souvent par ce signal, en firent peu de