Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/871

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ouen pé reçut cette réprimande avec actions de grâces. Il reconnut qu’il avait tort, et il changea de conduite. Il fit liaison avec des gens graves qu’il regarda comme ses maîtres. On ne le voyait ordinairement qu’avec de vénérables vieillards : il leur servait de conducteur et d’appui quand ils marchaient, et les servait même à table. King kiang en avait une vraie joie. Voilà, disait-elle alors, voilà mon fils qui se forme et qui devient homme.

Ouen pé commençant à entrer dans le gouvernement, King kiang lui fit un petit discours, dans lequel, par des comparaisons toutes tirées de l’art de faire des étoffes, auxquelles elle travaillait, elle lui exposa les qualités de ceux qui devaient remplir les principaux emplois du royaume. Quelque temps après, Ouen pé revenant du palais, et allant saluer sa mère, la trouva dévidant du fil. Ouen pé témoigna qu’il craignait que cette occupation ne fit quelque déshonneur à sa famille, et qu’on ne le soupçonnât de ne la pas traiter assez bien. King kiang, jetant un grand soupir : Ce sont ces fausses idées, s’écria-t-elle, qui ont perdu ce royaume, autrefois si florissant. Quoi, mon fils, vous qui avez tant étudié, et qui maintenant êtes en charge, est-il possible que vous l’ignoriez ? J’ai sur cela bien des choses à vous dire, écoutez avec attention. Les sages rois de l’antiquité cherchaient exprès les terres les moins grasses, pour y placer leurs sujets. Un de leurs plus grands secrets dans l’art de régner, était d’entretenir les peuples dans le travail et même dans la fatigue : ils avaient certainement raison. La fatigue et le travail rendent l’homme attentif et vertueux ; au lieu que l’oisiveté et les délices font naître le vice, et l’entretiennent. Les peuples qui habitent des pays gras et fertiles, sont ordinairement peu industrieux et fort voluptueux : au lieu que ceux dont le terroir est maigre, sont en même temps laborieux et gens de bien.

Ne vous imaginez pas au reste, que dans la sage antiquité l’occupation et le travail fussent uniquement pour le peuple. A quel travail ne se livraient pas nos empereurs mêmes ? Ils avaient à régler les finances, à examiner les magistrats, et le rapport que les magistrats leur faisaient. Il leur fallait veiller aux besoins des peuples, les pourvoir de bons maîtres et de bons pasteurs. Il fallait régler les supplices, et déterminer en dernier ressort les peines des criminels. Il fallait faire aux temps réglés les cérémonies publiques, et s’y préparer pendant plusieurs jours. Il n’était pas permis à un empereur de se reposer ou de se divertir, que tout ne fut dans l’ordre. Il en était de même à proportion des princes tributaires. Ils passaient le matin à s’acquitter de ce qui regardait le service de l’empereur, suivant les ordres qu’ils en avaient. Le milieu du jour s’employait à ce qui regardait le gouvernement de leur État particulier. Sur le soir ils donnaient un temps déterminé à l’examen des causes criminelles. La nuit ils réglaient ce qui regardait les ouvriers et les gens de journée. Les Grands de l’empire commençaient par vaquer le matin chacun à ce qui était de son ressort. Sur le haut du jour ils délibéraient ensemble sur le gouvernement de l’État. Le soir ils dressaient un mémoire des choses qui devaient se régler le lendemain ; il fallait qu’ils prissent sur la nuit le temps que pouvait exiger le soin de leur