Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/120

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et qu’il nous les répresente ensuite en un état veritablement malheureux. Commencez par faire estimer aux hommes ceux que vous voulez leur faire plaindre. Il est donc necessaire que les personnages de la tragedie ne meritent point d’être malheureux, ou du moins d’être aussi malheureux qu’ils le sont. Si leurs malheurs ne sont pas une pure infortune, mais une punition de leurs fautes, ils en doivent être une punition excessive. Du moins si ces fautes sont de veritables crimes, il ne faut pas que ces crimes aïent été commis volontairement. Oedipe ne seroit plus un principal personnage de tragedie, s’il avoit sçu dans le tems de son combat, qu’il tiroit l’épée contre son propre pere. Le malheur des scelerats sont peu propres à nous toucher ; ils sont un juste supplice dont l’imitation ne sçauroit exciter en nous ni terreur, ni compassion veritable. Un évenement terrible est celui qui nous étonne et qui nous épouvante à la fois. Or rien n’est moins étonnant que le châtiment d’un homme qui par ses crimes irrite le ciel et la terre. Ce seroit l’impunité des grands criminels qui pourroit surprendre ; leur châtiment ne