Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/123

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sa propre fille seroit un scelerat, il violeroit un précepte sacré de la loi naturelle sans être excusé par les loix de sa patrie : car il y avoit long-tems deslors que les romains avoient défendu de sacrifier des victimes humaines, et qu’ils avoient même obligé les peuples libres qui vivoient sous leur protection, à garder cette défense. Une erreur excusable peut donc réhabiliter, pour ainsi dire, le personnage qui commet un grand crime contre la loi naturelle, mais je me donnerai bien de garde de donner aux emportemens et aux premiers mouvemens le droit d’excuser les grands crimes, même sur le théatre. Celui à qui ses premiers mouvemens peuvent faire commettre de grands crimes, est toujours un scelerat. L’emportement n’excuse point le meurtre volontaire de sa femme, même suivant la morale de la poësie la seule dont il s’agisse ici et la plus indulgente de toutes. De tels crimes repugnent tellement aux cœurs qui ne sont pas entierement dépravez, qu’il ne suffit point d’avoir perdu quelque chose de la liberté de son esprit pour les commettre, sans devenir un scelerat odieux. Ce n’est point par reflexion et en resistant à la tentation qu’un homme à qui