Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/122

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Personne n’ignore qu’on entend en poësie par scelerat un homme qui viole volontairement les préceptes de la loi naturelle, à moins qu’il ne soit excusé par une loi particuliere à son païs. Le respect pour les loix de la societé dont on est membre est une si grande vertu, qu’elle excuse sur la scene l’erreur qui nous fait violer la loi naturelle. Ainsi quand Agamemnon veut sacrifier sa fille, il viole la loi naturelle sans être en poësie un personnage scelerat : il est excusé par sa resignation aux loix et à la religion de sa patrie qui autorisoit de pareils meurtres. C’est la loi de son païs qui se trouve chargée de l’horreur du crime. On plaint la misere des hommes de ce tems-là qui ne pouvoient plus discerner la loi naturelle à travers les nuages dont les fausses religions l’enveloppoient. Nous pouvons dire la même chose des meurtriers de Cesar, parce qu’ils avoient été élevez dans la maxime que les voïes violentes étoient permises contre un citoïen qui vouloit faire des sujets de ses égaux ; et qui, pour parler le langage des romains, affectoit la tyrannie. Mais un romain, contemporain de Cesar, qui voudroit sacrifier