Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
3
sur la Poësie & sur la Peinture.

J’ose entreprendre d’éclaircir ce Paradoxe & d’expliquer l’origine du plaisir que nous font les vers & les tableaux. Des entreprises moins hardies peuvent passer pour être temeraires, puisque c’est vouloir rendre compte à chacun de son approbation & de ses dégouts ; c’est vouloir instruire les autres de la maniere dont leurs propres sentimens naissent en eux. Ainsi je ne sçaurois esperer d’être approuvé, si je ne parviens point à faire reconnoître au Lecteur dans mon livre ce qui se passe en lui-même, en un mot les mouvemens les plus intimes de son cœur. On n’hesite gueres à rejetter comme un miroir infidele le miroir où l’on ne se reconnoît pas.

Les Ecrivains qui raisonnent sur des matieres, s’il étoit permis de parler ainsi, moins palpables, errent souvent avec impunité. Pour demêler leurs fautes, il est necessaire de reflechir & souvent même de s’instruire ; mais la matiere que j’ose traiter est présente à tout le monde. Chacun a chez soi la regle ou le compas applicable à mes raisonnemens, & chacun en sentira l’erreur dès qu’ils s’écarteront d’une ligne de la verité.

D’un autre côté c’est rendre un ser-