Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/131

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rendre l’action interessante. L’usage de ce qui se passe dans le monde & l’experience de nos amis au défaut de la nôtre, nous apprennent qu’une passion contente s’use tellement en douze années, qu’elle devient une simple habitude. Un heros, obligé par sa gloire & par l’interêt de son autorité à rompre cette habitude, n’en doit pas être assez affligé pour devenir un personnage tragique : il cesse d’avoir la dignité requise aux personnages de la tragedie, si son affliction va jusqu’au desespoir. Un tel malheur ne sçauroit l’abbattre s’il a un peu de cette fermeté sans laquelle on ne sçauroit être, je ne dis pas un heros, mais même un homme vertueux. La gloire, dira-t-on, l’emporte à la fin, & Titus, de qui l’on voit bien que vous voulez parler, renvoïe Berenice chez elle.

Je répondrai donc que ces combats que livre Titus ne sont pas dignes de lui, ni dignes d’occuper la scene tragique durant cinq actes. Alleguer qu’à la fin la vertu triomphe de la passion, ce n’est pas justifier le caractere de Titus. Une pareille raison pourroit tout au plus justifier celui d’une jeune princesse qui, durant quatre actes, auroit fait voir la