Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/137

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qu’on appelle vulgairement un conquerant que comme un furieux à charge au genre humain, peut-il être vivement interessé par les mouvemens inquiets de l’impetueux Achile quand il imagine qu’on conspire pour l’empêcher de s’aller immortaliser en prenant Troye. L’homme, pour qui les attraits du jeu sont sans amorce, est-il touché de l’affliction d’une personne qui vient de faire des pertes considerables, à moins qu’il ne prenne pour elle de ces interêts particuliers qui font partager tous les sentimens d’une autre personne, de maniere qu’on s’afflige de ce qu’elle est affligée. Sans un pareil motif l’homme, qui n’aime pas le jeu, plaindra seulement le joüeur d’avoir contracté l’habitude dangereuse de mettre à la disposition des cartes ou des dez la douceur de son humeur et la tranquillité de sa vie ; c’est parmi ceux qui sont tourmentez de maux pareils aux nôtres que l’instinct nous fait chercher des gens qui partagent nos peines, et qui nous consolent en s’affligeant avec nous. Didon conçoit d’abord une compassion tendre pour énée obligé de s’enfuir de sa patrie, parce qu’elle même avoit été