Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/138

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obligée de s’enfuir de la sienne. Elle avoit senti les mêmes peines qu’éprouvoit Enée, comme Virgile le lui fait dire.

Non ignara mali miseris succurrere disco.

Il est encore ordinaire de juger des mouvemens naturels du cœur en general, par les mouvemens de son propre cœur. Ainsi ceux qui n’ont point de pente vers une passion, ne conçoivent point que les fureurs dont le poëte remplit ses scenes, & qu’il expose comme les suites naturelles d’un emportement dont-ils n’ont jamais senti les accès, soïent exposées suivant la verité : ou bien les suites d’une semblable passion leur paroissent les pures saillies de l’imagination dereglée d’un poëte exagerateur : ou bien les personnages d’une piece cessent de les interesser. Ils ne les regardent plus comme des hommes troublez par une passion, mais comme des hommes tombez en une veritable demence. Suivant leur sentiment ce sont des hommes moins propres à joüer un rolle sur la scene, qu’à être reclus dans ces maisons où les nations polies renferment une partie de leurs fols.

Les transports forcenez d’un ambitieux,