Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/142

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Elle reprendra nos poëtes d’avoir fait d’une intrigue amoureuse la cause de tous les mouvemens qui arriverent à Rome quand il s’y forma une conjuration pour le rappel des tarquins, comme d’avoir répresenté les jeunes gens de ce tems-là si polis et même si timides devant leurs maîtresses, eux dont les mœurs sont connuës suffisamment par le recit que fait Tite-Live de l’avanture de Lucrece. Un poëte très-vanté chez une nation voisine, qui du moins a beaucoup d’émulation pour la nôtre, fait en differens endroits de ses ouvrages plusieurs reflexions un peu desobligeantes pour les poëtes tragiques françois. Cet écrivain prétend que l’affectation à mettre de l’amour dans toutes les intrigues des tragedies, et dans presque tous les caracteres des personnages, ait fait tomber nos poëtes en plusieurs fautes. Une des moindres est de faire souvent de fausses peintures de l’amour. L’amour n’est pas une passion gaie : le veritable amour, le seul qui soit digne de monter sur la scene tragique, est presque toujours chagrin, sombre et de mauvaise humeur. Or, ajoute l’auteur anglois, un pareil caractere déplairoit bientôt, si

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