Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/146

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pourvû qu’elles soïent apprêtées en forme de ragoût. Un autre inconvenient, ajoute l’anglois, qui vient de la mauvaise mode de mettre de l’amour par tout ; c’est que les poëtes françois font amoureux à leur mode des princes âgez et des heros qui, dans tous les tems, ont eu une reputation de fermeté qui nous les répresente d’un caractere bien opposé à celui qu’ils leur prêtent. Ces heros, ainsi défigurez, paroîtront peut-être aux petits-fils de ceux qui les admirent tant aujourd’hui, des personnages barboüillez exprès pour être rendus ridicules. Ils prendront pour un genre de la poësie burlesque, qui durant un tems fut en vogue parmi les françois, les pieces où Brutus, Arminius et d’autres personnages illustres par un courage inflexible et même par leur ferocité, sont répresentez si tendres et si galands. Ils mettront ces poëmes dans la même classe que le Virgile travesti. Voilà ce qui doit arriver tôt ou tard aux poëtes qui ne s’assujetissent pas à copier la nature dans leurs imitations, qui ne s’embarrassent point que leurs personnages ressemblent à des hommes, et qui sont trop contens quand ces personnages ont je ne