Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/158

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nous instruit exactement des particularitez de leur vie. Nous sçavons des détails sur les petitesses des grands hommes que nous avons vûs, ou que nos contemporains ont pû voir, qui rapprochent si bien ces grands hommes des hommes ordinaires, que nous ne sçaurions avoir pour eux la même veneration avec laquelle nous sommes en habitude de regarder les grands hommes de Rome et ceux de la Grece. audita visis laudamus libentius. cet apophtegme est encore plus veritable en parlant des hommes, qu’en parlant des ouvrages de l’art ou des merveilles de la nature. Il n’est point d’homme qui soit admirable, s’il n’est vû d’une certaine distance. Dès qu’on peut voir les hommes d’assez près pour discerner leurs petites vanitez et leurs petites jalousies, comme pour demêler les inégalitez de leur esprit, l’admiration cesse. Si nous sçavions l’histoire domestique de Cesar et d’Alexandre avec autant de détail, que nous sçavons celle des grands hommes de notre siecle, les noms du grec et du romain ne nous inspireroient plus la même veneration qu’ils nous inspirent. Je souscris volontiers au livre qui

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