Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

a dit : que les plus grands ennemis de la gloire des heros, étoient leurs valets de chambre : les heros gagnent toujours à n’être connus que par le recit des historiens ; la plûpart se plaisent à rapporter ces traits naïfs et ces petits faits anecdotes qui font encore admirer davantage les hommes illustres, mais ils taisent volontiers tout ce qui feroit un effet contraire. Voilà pour les historiens ordinaires. Quant à ceux qui veulent dire du mal, ils font bien quelquefois les hommes plus méchans que peut-être ils n’ont été, mais il est très-rare que ces historiens fassent les hommes plus petits. Un historien met ses talens en évidence, il peut même faire parade de sa probité en racontant les actions d’un grand scelerat ; mais il se dégrade lui-même, et il devient un écrivain insipide, s’il fait de ses acteurs des hommes trop ordinaires. Le poëte tragique, dira-t-on, peut supprimer toutes les petitesses capables d’avilir ses heros. J’en tombe d’accord, mais l’auditeur s’en souvient, il les redit lorsque le heros a vêcu dans un tems si voisin du sien, que la tradition l’a instruit de ces petitesses. D’ailleurs Melpoméne se plaît à parer

p150