Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/163

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pareil motif que nous-mêmes nous avons fait monter sur notre scene lorsqu’elle étoit encore grossiere, nos souverains encore vivans. Les françois sont vantez de toutes les nations pour respecter naturellement leurs princes : ils font même davantage, ils les aiment. Aussi juge-t-on facilement par le caractere des pieces où les poëtes françois ont introduit leur souverain même, qu’ils n’ont peché que par grossiereté. Peu de mois après la mort de Henri Iv on répresenta dans Paris une tragedie dont le sujet étoit la mort funeste de ce prince ; Louis Xiii qui regnoit alors, faisoit lui-même un personnage dans la piece, et de sa loge il pouvoit se voir répresenter sur le théatre où le poëte lui faisoit dire que l’étude l’assommoit, qu’un livre lui faisoit mal à la tête, qu’il ne pouvoit guerir qu’au son du tambour, et plusieurs autres gentillesses de ce genre dignes d’un fils d’Alaric ou d’Athalaric. Mais la raison ou bien les reflexions nous ont rendu depuis le peuple de l’Europe le plus délicat et le plus difficile sur toutes les bienséances du théatre. Nos poëtes ne peuvent se tromper impunément aujourd’hui sur le choix du tems et du lieu de leurs pieces.