Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/183

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de leurs avantures ; mais il n’en est pas de même des avantures des églogues ni de leurs personnages. Ces personnages, qui ne doivent point être exposez à de grands dangers, ni tomber dans des malheurs veritablement tragiques et capables par leur nature de nous émouvoir beaucoup, veulent, suivant mon sentiment, être copiez d’après ce que nous voïons dans notre païs. La scene des églogues, ainsi que celle des comedies, doit être placée dans nos campagnes, et leur sujet doit être une imitation des évenemens qui peuvent y arriver. Il est vrai que nos bergers et nos païsans sont si grossiers, qu’on ne sçauroit peindre d’après eux les personnages des églogues ; mais nos païsans ne sont pas les seuls qui puissent emprunter des agrémens de la campagne les figures de leurs discours. Un jeune prince qui s’égare à la chasse, et qui seul, ou bien avec un confident, parle de sa passion, et qui emprunte ses images et ses comparaisons des beautez rustiques, est un excellent personnage pour une idille. La fiction ne se soutient que par sa vrai-semblance, et la vrai-semblance ne sçauroit subsister dans un

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