Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/184

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ouvrage où l’on n’introduit que des personnages dont le caractere est entierement opposé au naturel que nous avons toujours devant les yeux. Ainsi je ne sçaurois approuver ces porte-houlettes doucereux qui disent tant de choses merveilleuses en tendresse et sublimes en fadeur dans quelques-unes de nos églogues. Ces prétendus pasteurs ne sont point copiez, ni même imitez d’après nature, mais ils sont des êtres chimeriques inventez à plaisir par des poëtes qui ne consulterent jamais que leur imagination pour les forger. Ils ne ressemblent en rien aux habitans de nos campagnes et à nos bergers d’aujourd’hui : malheureux païsans, occupez uniquement à se procurer par les travaux penibles d’une vie laborieuse, de quoi subvenir aux besoins les plus pressans d’une famille toujours indigente ? L’ âpreté du climat sous lequel nous vivons les rend grossiers, et les injures de ce climat multiplient encore leurs besoins. Ainsi les bergers langoureux de nos églogues ne sont point d’après nature ; leur genre de vie dans lequel ils font entrer les plaisirs les plus delicats entremêlez des soins de la vie champêtre, et sur tout de l’attention