Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/221

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fait votre peintre, qui excelle dans l’expression des passions ? Je leur réponds qu’il faut sçavoir faire quelque chose de plus que copier servilement la nature, ce qui est déja beaucoup, pour donner à chaque passion son caractere convenable, et pour bien exprimer les sentimens de tous les personnages d’un tableau. Il faut, pour ainsi dire, sçavoir copier la nature sans la voir. Il faut pouvoir imaginer avec justesse quels sont ses mouvemens dans des circonstances où l’on ne la vît jamais. Est-ce avoir la nature devant les yeux que de dessiner d’après un modele tranquille, lorsqu’il s’agit de peindre une tête où l’on découvre l’amour à travers la fureur de la jalousie. On voit bien une partie de la nature dans son modele, mais on n’y voit pas ce qu’il y a de plus important par rapport au sujet qu’on peint. On voit bien le sujet que la passion doit animer, mais on ne le voit point dans l’état où la passion doit le mettre, et c’est dans cet état qu’il le faut peindre. Il faut que le peintre applique encore à la tête qu’il fait ce que les livres disent en general de l’effet des passions sur le visage, et des traits ausquels elles y sont marquées. Toutes les expressions doivent tenir du

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caractere de