Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/220

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pour rendre les évenemens qu’il narre plus interessans, et à qui même il est rarement permis d’exercer son genie en lui faisant produire des sentimens convenables à ses personnages pour les leur prêter. Les discours que le grand Corneille fait tenir à Cesar dans la mort de Pompée sont une meilleure preuve de l’abondance de sa veine et de la sublimité de son imagination, que l’invention des allegories du prologue de la toison d’or. Il faut avoir une imagination plus féconde, et plus juste, pour imaginer et pour rencontrer les traits dont la nature se sert dans l’expression des passions, que pour inventer des figures emblêmatiques. On produit tant qu’on veut de ces symboles par le secours de deux ou trois livres qui sont des sources intarissables de pareils colifichets, au lieu qu’il faut avoir une imagination fertile et qui soit guidée encore par une intelligence sage et judicieuse, pour réussir dans l’expression des passions et pour y peindre avec verité leurs simptômes. Mais, diront les partisans de l’esprit, ne doit-il pas y avoir plus de merite à inventer des choses qui ne furent jamais pensées, qu’à copier la nature, ainsi que

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