Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/231

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des sujets neufs à ceux qui ont du genie. Un homme né avec du genie voit la nature, que son art imite avec d’autres yeux que les personnes qui n’ont pas de genie. Il découvre une difference infinie entre des objets, qui aux yeux des autres hommes paroissent les mêmes, et il fait si bien sentir cette difference dans son imitation, que le sujet le plus rebatu devient un sujet neuf sous sa plume ou sous son pinceau. Il est pour un grand peintre une infinité de joïes et de douleurs differentes qu’il sçait varier encore par les âges, par les temperamens, par les caracteres des nations et des particuliers, et par mille autres moïens. Comme un tableau ne répresente qu’un instant d’une action, un peintre né avec du genie, choisit l’instant que les autres n’ont pas encore saisi, ou s’il prend le même instant, il l’enrichit de circonstances tirées de son imagination, qui font paroître l’action un sujet neuf. Or c’est l’invention de ces circonstances qui constituë le poëte en peinture. Combien a-t-on fait de crucifimens depuis qu’il est des peintres ? Cependant les artisans doüez de genie, n’ont pas trouvé que ce sujet fut épuisé par mille tableaux déja

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