Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/233

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fait faire, il vient d’arracher la jambe qui a reçu le coup en forçant la tête du cloud, qui tenoit le pied attaché au poteau funeste. La tête du cloud est même chargée des dépouilles hideuses qu’elle a emportées en déchirant les chairs du pied à travers lequel elle a passé. Rubens qui sçavoit si bien en imposer à l’œil par la magie de son clair-obscur, fait paroître le corps du larron sortant du coin du tableau dans cet effort, et ce corps est encore la chair la plus vraïe qu’ait peint ce grand coloriste. On voit de profil la tête du supplicié, et sa bouche dont cette situation fait encore mieux remarquer l’ouverture énorme, ses yeux dont la prunelle est renversée, et dont on n’apperçoit que le blanc sillonné de veines rougeâtres et tenduës ; enfin l’action violente de tous les muscles de son visage, font presqu’oüir les cris horribles qu’il jette. On découvre derriere la croix des spectateurs qui la font avancer, et qui semblent tellement enfoncez dans le tableau, qu’à peine ose-t’on croire que toutes ces figures soient placées sur une même superficie. Depuis Rubens jusqu’à Coypel, le sujet du crucifiment a été traité plusieurs fois. Cependant ce dernier peintre a