Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le fait est arrivé autrement que le poëte ne le raconte : je crois que les poëtes qui contredisent dans leurs ouvrages des faits historiques très-connus, nuisent beaucoup à la vrai-semblance de leurs fictions. Je sçais bien que le faux est quelquefois plus vrai-semblable que le vrai. Mais nous ne reglons pas notre croïance touchant les faits sur leur vrai-semblance métaphysique, ou sur le pied de leur possibilité : c’est sur la vrai-semblance historique. Nous n’examinons pas ce qui devoit arriver plus probablement, mais ce que les témoins necessaires, ce que les historiens racontent ; et c’est leur recit et non pas la vrai-semblance qui détermine notre croïance. Ainsi nous ne croïons pas l’évenement qui est le plus vrai-semblable et le plus possible, mais celui qu’ils nous disent être veritablement arrivé. Leur déposition étant la regle de notre croïance sur les faits, ce qui peut être contraire à leur déposition ne sçauroit paroître vrai-semblable. Or comme la verité est l’ame de l’histoire, la vrai-semblance est l’ame de lapoësie.