Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/254

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que la fable nous débite de ses heros et de ses dieux s’est acquis le droit de passer pour verité dans les poëmes, et nous ne sommes plus parties capables de contredire ses narrations. Un poëte ne doit aussi rien changer, sans une grande necessité, à ce que l’histoire et la fable nous apprennent des évenemens, des mœurs, des coûtumes et des usages des païs où il place sa scene. Ce que je dis ne doit pas s’entendre des faits de peu d’importance, et consequemment peu connus. Par exemple, ce seroit une pedanterie que de reprendre M Racine d’avoir fait dire à Narcisse, dans Britannicus, que Locuste, cette fameuse empoisonneuse du tems de Neron, a fait expirer un esclave à ses yeux, pour essayer l’activité du poison qu’elle avoit preparé pour Britannicus, parce que les historiens racontent que cette épreuve fut faite sur un porc. La circonstance que le poëte change n’est point assez importante pour la conserver aux dépens du pathetique que la vie d’un homme, sacrifiée pour faire une épreuve, jette dans le recit, et de l’embarras qu’il y auroit à raconter cet incident comme le narrent les historiens. Mais je ne condamnerois pas de