Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/255

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même celui qui reprendroit dans cette piéce de Racine beaucoup de choses pleinement démenties par ce que nous sçavons positivement des mœurs et de l’histoire des romains de ce tems-là. Junia Calvina, l’amante de Britannicus, sur laquelle le poëte prend soin de nous instruire dans sa préface, et qu’il a tant de peur que nous ne confondions avec Junia Silana, n’étoit point à Rome dans le tems de la mort de Britannicus. Il n’est pas possible qu’elle ait été un personnage de l’action qu’il met sur le théatre. Junia Calvina avoit été exilée vers la fin du regne de Claude, comme coupable d’inceste avec son frere, et Neron ne la rappella de son exil que lorsqu’il voulut faire un certain nombre d’actions de bonté, afin d’adoucir les esprits, aigris contre lui par le meurtre de sa mere. D’ailleurs le caractere que M Racine s’est plû à donner à cette Junia Calvina est bien démenti par l’histoire. Il affecte de la peindre comme une fille vertueuse en jeune personne : et plus d’une fois il lui fait dire, en phrases poëtiques, qu’elle n’a point vû le monde, et qu’elle ne le connoît pas encore. Tacite, qui doit avoir vû Junia Calvina,

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