Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/268

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se montreroit sur le visage d’une femme. La colere d’un homme bilieux n’est pas celle d’un homme mélancolique. On voit au maître autel de la petite église de saint étienne de Genes un tableau de Jules Romain qui répresente le martyre de ce saint. Le peintre y exprime parfaitement bien la difference qui est entre l’action naturelle des personnes de chaque temperament, quoiqu’elles agissent par la même passion ; et l’on sçait bien que cette sorte d’execution ne se faisoit point par des bourreaux païez, mais par le peuple lui-même. Un des juifs qui lapide le saint a les cheveux roussâtres, le teint haut en couleur, enfin toutes les marques d’un homme bilieux et sanguin, et il paroît transporté de colere. Sa bouche et ses narrines sont ouvertes extraordinairement. Son geste est celui d’un furieux, et pour lancer sa pierre avec plus d’impetuosité, il ne se soutient que sur un pied. Un autre juif placé auprès du premier, et qu’on reconnoît être d’un temperament mélancolique à la maigreur de son corps, à son teint livide, comme à la noirceur des poils, se ramasse tout le corps en jettant sa pierre, qu’il adresse à la tête du saint. On voit bien que sa