Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/279

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par exemple, a très-bien réussi dans cette partie de l’ordonnance que nous appellons composition pittoresque. Aucun peintre n’a sçu mieux que lui bien arranger dans une même scene un nombre infini de personnages, placer plus heureusement ses figures, en un mot bien remplir une grande toile sans y mettre de la confusion. Cependant Paul Veronése n’a pas réussi dans la composition poëtique. Il n’y a point d’unité d’action dans la plûpart de ses grands tableaux. Un de ses plus magnifiques ouvrages, les nôces de Cana, qu’on voit au fond du refectoire du couvent de saint Georges à Venise, est rempli de fautes contre la poësie pittoresque. Un petit nombre des personnages sans nombre dont il est rempli, se trouve être attentif au miracle de la conversion de l’eau en vin qui fait le sujet principal. Personne n’en est touché autant qu’il le faudroit. Paul Veronése introduit parmi les conviez des religieux benedictins du couvent pour lequel il travailloit. Enfin ses personnages sont habillez de caprice, et comme dans ses autres tableaux, il y contredit ce que nous sçavons positivement des mœurs et des usages du peuple dans lequel il choisit ses acteurs.