Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/284

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plusieurs mêmes ne l’observent jamais. Ils ne lisent point les poëmes pour examiner si rien ne s’y dément, mais pour jouir du plaisir d’être touchez. Ils lisent les poëmes comme ils regardent les tableaux, et ils sont choquez seulement des fautes, qui, pour ainsi dire, tombent sous le sentiment, et qui diminuent beaucoup leur plaisir. D’ailleurs les fautes réelles qui sont dans un tableau comme une figure trop courte, un bras estropié, ou un personnage qui nous présente une grimace au lieu de l’expression naturelle, sont toujours à côté de ses beautez. Nous ne voïons pas ce que le peintre a fait de bon separement de ce qu’il a fait de mauvais. Ainsi le mauvais empêche le bon de faire sur nous toute l’impression qu’il devroit faire. Il n’en est pas de même d’un poëme, ses fautes réelles comme une scene qui sort de la vrai-semblance, ou des sentimens qui ne conviennent point à la situation dans laquelle un personnage est supposé, ne nous dégoutent que de la partie d’un bon poëme où elles se trouvent. Elles ne jettent même sur les beautez voisines qu’une ombre bien legere.