Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/287

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aussi touchant s’il étoit exprimé en termes magnifiques et avec des figures ambitieuses. Le vieil Horace ne m’interesseroit plus autant qu’il m’interesse si, au lieu de dire simplement le fameux qu’il mourût, il exprimoit ce sentiment en stile figuré. La vrai-semblance periroit avec la simplicité de l’expression. Où j’apperçois de l’affectation, je ne reconnois plus le langage du cœur. Mais les retours que les interlocuteurs font sur leurs sentimens et sur ceux des autres, les reflexions du poëte, les recits, les descriptions, en un mot tout ce qui n’est pas sentiment, veut autant que la nature du poëme et la vrai-semblance le permettent, nous être répresenté sous des images qui forment des tableaux dans notre imagination. J’excepterai de cette regle generale les recits des évenemens prodigieux qui se font lorsque ces évenemens viennent d’arriver. Il est dans la vrai-semblance que le témoin oculaire de pareils évenemens, qu’il convient d’emploïer pour en faire le recit, ait été frappé d’un étonnement qui dure encore ; et il seroit ainsi contre la vrai-semblance qu’il

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