Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/292

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à sçavoir faire un bon usage de ces images. L’écrivain le plus austere, celui qui fait la profession la plus serieuse de ne mettre en œuvre pour nous persuader que la raison toute nuë, sent bientôt que pour nous convaincre il nous faut émouvoir, et qu’il faut pour nous émouvoir mettre sous nos yeux par des peintures les objets dont il nous parle. Un des plus grands partisans du raisonnement severe que nous aïons eu, le pere Mallebranche, a écrit contre la contagion des imaginations fortes, dont le charme pour nous séduire consiste dans leur fécondité en images, et dans le talent qu’elles ont de peindre vivement les objets. Mais qu’on ne s’attende point à voir dans son discours une précision seche qui écarte toutes les figures capables de nous émouvoir et de nous séduire, ni qui se borne aux raisons concluantes. Ce discours est rempli d’images et de peintures, et c’est à notre imagination qu’il parle contre l’abus de l’imagination. La poësie du stile fait la plus grande difference qui soit entre les vers et la prose. Bien des métaphores qui passeroient pour des figures trop hardies dans