Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/295

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des poëmes françois publiez depuis quatre-vingt ans, achevera de nous persuader que le plus grand merite d’un poëme vient de la convenance et de la continuité des images et des peintures que ses vers nous présentent. Le caractere de la poësie du stile a toujours decidé du bon ou du mauvais succès des poëmes, même de ceux qui par leur étenduë semblent dépendre le plus de l’oeconomie du plan, de la distribution de l’action et de la décence des mœurs. Nous avons deux tragedies du grand Corneille, dont la conduite et la plûpart des caracteres sont très défectueux, le cid et la mort de Pompée. On pourroit même disputer à cette derniere piece le titre de tragedie. Cependant le public enchanté par la poësie du stile de ces ouvrages ne se lasse point de les admirer, et il les place fort au-dessus de plusieurs autres, dont les mœurs sont meilleures, et dont le plan est regulier. Tous les raisonnemens des critiques ne le persuaderont jamais qu’il ait tort de prendre pour des ouvrages excellens deux tragedies, qui depuis quatre-vingt ans font toujours pleurer les spectateurs. Mais, comme le dit le poëte anglois auteur de la tragedie de Caton :

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les vers des poetes anglois sont souvent harmonie