Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/329

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je ne pourrois le dire, que si la rime est une esclave qui ne doit qu’obéïr, il en coûte bien pour ranger cette esclave à son devoir. Nos poetes sont encore chargez du soin d’observer la césure, le nombre des syllabes, et d’éviter en composant la rencontre choquante de celles qui s’entreheurtent. Aussi voïons-nous bien des françois qui composent plus facilement des vers latins que des vers françois. Or moins l’imagination du poete est gênée par le travail mécanique, mieux cette imagination prend l’essort. Moins elle est resserrée, plus il lui reste de liberté pour inventer. Un artisan qui peut manier ses instrumens sans peine, met une élégance et une propreté dans son execution, que l’artisan qui n’a point entre ses mains des instrumens aussi dociles ne sçauroit mettre dans la sienne. Ainsi les écrivains latins, et particulierement les poetes latins qui n’ont pas été gênez autant que les nôtres, ont pû tirer de leur langue des agrémens et des beautez qu’il est presque impossible aux nôtres de tirer de la langue françoise. Les latins ont pû, par exemple, parvenir à faire de ces phrases que j’appellerai ici des