Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/33

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autres joüeurs. La raison d’une prédilection tellement opposée à ses interêts, c’est que les jeux qui laissent une grande part dans l’évenement à l’habileté du joüeur, exigent une contention d’esprit plus suivie : et qu’ils ne tiennent pas l’ame dans une émotion continuelle ainsi que le jeu des landsquenets, la bassette et les autres jeux où les évenemens dépendent entierement du hazard : à ces derniers tous les coups sont décisifs, et chaque évenement fait perdre ou gagner quelque chose. Ils tiennent donc l’ame dans une espece d’extase, et ils l’y tiennent encore sans qu’il soit besoin qu’elle contribuë à son plaisir par une attention serieuse dont notre paresse naturelle cherche toujours à se dispenser. La paresse est un vice que les hommes surmontent bien quelquefois, mais qu’ils n’étouffent jamais : peut-être est-ce un bonheur pour la societé que ce vice ne puisse pas être déraciné. Bien des gens croïent que lui seul il empêche plus de mauvaises actions que toutes les vertus.

Ceux qui prennent trop de vin, ou qui se livrent à d’autres passions, en connoissent souvent les mauvaises suites bien mieux que ceux qui leur font des remontrances ; mais