Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/337

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la difference qui est entre l’harmonie de ces deux poëtes. Mais à la chute près, leurs vers ont, pour parler ainsi, la même démarche, quoique ceux de Properce ne cheminent pas d’aussi bonne grace que ceux de Tibulle. Or c’est dire beaucoup à la loüange des regles de la poësie latine, que de soutenir qu’elles font la moitié et plus de l’ouvrage, et que l’oreille du poëte n’y est chargée que d’un soin ; c’est à sçavoir du soin de rendre les vers mélodieux par un heureux mélange du son des syllabes dont ils sont composez. Je vais montrer que l’observation des regles de la poësie françoise ne produit ni l’un ni l’autre effet. L’observation de ces regles ne rend pas les vers ni nombreux ni mélodieux. Des vers françois très-conformes à ces regles peuvent être sans rithme et sans harmonie dans la prononciation. Les regles de la poësie françoise ne décident que du nombre arithmetique des syllabes qui doivent entrer dans les vers. Elles ne statuent rien sur la quantité ; c’est-à-dire en poësie sur la longueur et sur la brieveté de ces syllabes. Mais comme les syllabes des mots françois ne laissent pas d’être quelquefois longues

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