Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/35

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l’art ne pourroit-il pas trouver le moïen de separer les mauvaises suites de la plûpart des passions d’avec ce qu’elles ont d’agréable ? L’art ne pourroit-il pas créer, pour ainsi dire, des êtres d’une nouvelle nature ? Ne pourroit-il pas produire des objets qui excitassent en nous des passions artificielles capables de nous occuper dans le moment que nous les sentons, et incapables de nous causer dans la suite des peines réelles et des afflictions veritables ?

La poësie et la peinture en viennent à bout. Je ne prétends pas soutenir que les premiers peintres et les premiers poëtes, ni les autres artisans, qui peuvent faire la même chose qu’eux, aïent porté si loin leur idée, et qu’ils se soïent proposé des vûës si rafinées en travaillant. Les premiers inventeurs du bain n’ont pas songé qu’il fût un remede propre à guerir de certains maux, ils ne s’en sont servis que comme d’un rafraîchissement agréable durant la chaleur, lequel on a découvert depuis être utile pour rendre la santé dans certaines maladies : de même les premiers poëtes et les premiers peintres n’ont songé peut-être qu’à flater nos sens et notre imagination, et