Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

p340

point une beauté par elle-même. La beauté de la rime n’est qu’une beauté de rapport qui consiste en une conformité de désinance entre le dernier mot d’un vers et le dernier mot du vers reciproque. On n’entrevoit donc cette beauté qui passe si vîte, qu’au bout de deux vers, et après avoir entendu le dernier mot du second vers qui rime au premier. On ne sent même l’agrément de la rime qu’au bout de trois et de quatre vers, lorsque les rimes masculines et feminines sont entrelacées de maniere que la premiere et la quatriéme soient masculines et la seconde et la troisiéme feminines, mélange qui est fort en usage dans plusieurs especes de poësie. Mais pour ne parler ici que des vers où la rime paroît dans tout son éclat et dans toute sa beauté, on n’y sent la richesse qu’au bout du second vers. C’est la conformité de son plus ou moins parfaite entre les derniers mots des deux vers qui fait son élégance. Or la plûpart des auditeurs qui ne sont pas du métier, ou qui ne sont point amoureux de la rime, bien qu’ils soient du métier, ne se souviennent plus de la premiere rime assez distinctement, lorsqu’ils entendent la seconde, pour être

p341