Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Voilà pourquoi nous regardons avec contentement les peintures dont le merite consiste à mettre sous nos yeux des avantures si funestes, qu’elles nous auroient fait horreur si nous les avions vûës veritablement, car comme le dit Aristote dans sa poëtique : des monstres et des hommes morts ou mourants que nous n’oserions regarder ou que nous ne verrions qu’avec horreur, nous les voïons avec plaisir imitez dans les ouvrages des peintres. mieux ils sont imitez, plus nous les regardons avidement. Il en est de même des imitations que fait la poësie.

Le plaisir qu’on sent à voir les imitations que les peintres et les poëtes sçavent faire des objets qui auroient excité en nous des passions dont la réalité nous auroit été à charge, est un plaisir pur. Il n’est pas suivi des inconveniens dont les émotions serieuses qui auroient été causées par l’objet même, seroient accompagnées.

Des exemples éclairciront encore mieux que des raisonnemens une opinion que je puis craindre de n’exposer jamais assez distinctement. Le massacre des innocens a dû laisser des idées bien funestes dans l’imagination de ceux qui virent