Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/403

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émouvoir. Or comme le dit Horace. La vûë a plus d’empire sur l’ame que les autres sens. C’est celui en qui l’ame, par un instinct que l’expérience fortifie, a le plus de confiance. C’est au sens de la vûë que l’ame appelle du rapport des autres sens lorsqu’elle soupçonne ce rapport d’être infidele. Ainsi les bruits et même les sons naturels ne nous affectent pas à proportion des objets visibles. Par exemple, les cris d’un homme blessé que nous ne voïons point, ne nous affectent pas, bien que nous aïons connoissance du sujet qui lui fait jetter les cris que nous entendons, comme nous affecteroit la vûë de son sang et de sa blessure. On peut dire metaphoriquement parlant, que l’œil est plus près de l’ame que l’oreille. En second lieu, les signes que la peinture emploïe pour nous parler, ne sont pas des signes arbitraires et instituez, tels que sont les mots dont la poësie se sert. La peinture emploïe des signes naturels dont l’énergie ne dépend pas de l’éducation. Ils tirent leur force du rapport que la nature elle-même a pris soin de

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