Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/404

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mettre entre les objets extérieurs et nos organes, afin de procurer notre conservation. Je parle peut-être mal quand je dis que la peinture emploïe des signes. C’est la nature elle-même que la peinture met sous nos yeux. Si notre esprit n’y est pas trompé, nos sens du moins y sont abusez. La figure des objets, leur couleur, les reflais de la lumiere, les ombres, enfin tout ce que l’œil peut appercevoir, se trouve dans un tableau comme nous le voïons dans la nature. Elle se presente dans un tableau sous la même forme où nous la voïons réellement. Il semble même que l’œil ébloüi par l’ouvrage d’un grand peintre, croïe quelquefois appercevoir du mouvement dans ses figures. Les vers les plus touchans ne sçauroient nous émouvoir que par dégrez et en faisant joüer plusieurs ressorts de notre machine les uns après les autres. Les mots doivent d’abord réveiller les idées dont ils ne sont que des signes arbitraires. Il faut ensuite que ces idées s’arrangent dans l’imagination, et qu’elles y forment ces tableaux qui nous touchent et ces peintures qui nous interessent. Toutes ces operations, il est vrai, sont bien-tôt faites ; mais il est un principe

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