Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/417

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que les caracteres des lettres réveillent d’abord l’idée des sons dont ils se trouvent être les signes arbitraires, et il faut ensuite que les sons des mots, qui ne se trouvent être eux-mêmes que des signes arbitraires, réveillent les idées attachées à ces mots. Avec quelque vitesse et quelque facilité que ces operations se fassent, elles ne sçauroient se faire aussi promptement qu’une seule operation. C’est ce qui arrive dans la récitation où le mot que nous entendons réveille immédiatement l’idée qui est liée avec ce mot. Je n’ignore pas qu’une belle édition dont les caracteres bien taillez et bien noirs sont rangez dans une proportion élegante sur du papier d’un bel œil, ne fasse un plaisir sensible à la vûë ; mais ce plaisir plus ou moins grand suivant le goût qu’on peut avoir pour l’art de l’imprimerie, est un plaisir à part, et qui n’a rien de commun avec l’emotion que cause la lecture d’un poëme. Ce plaisir cesse même dès qu’on applique son attention à la lecture, et l’on ne s’apperçoit plus alors de la beauté de l’impression que par la facilité que les yeux trouvent à reconnoître les caracteres et à rassembler les mots. Considerer le Virgile

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