Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/418

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des elzevirs comme un chef-d’ œuvre d’impression, ou lire les vers de Virgile pour en sentir les charmes, ce sont deux actions très-distinctes et très-differentes. Il s’agit ici de la derniere. Elle n’est pas un plaisir par elle-même. Elle est si peu un plaisir : elle nous fait sentir si peu l’harmonie du vers, que l’instinct nous porte à prononcer tout haut les vers que nous ne lisons que pour nous-mêmes, lorsqu’il nous semble que ces vers doivent être nombreux et harmonieux. C’est un de ces jugemens que l’esprit fait par une operation qui n’est pas prémeditée, et que nous ne connoissons même que par une refléxion qui nous fait retourner, pour ainsi dire, sur ce qui s’est passé dans nous-mêmes. Telles sont la plûpart des operations de l’ame dont nous avons parlé, et la plûpart de celles dont nous devons parler encore. La récitation des vers est donc un plaisir pour nos oreilles, au lieu que leur lecture est un travail pour nos yeux. En écoutant réciter des vers, nous n’avons pas la peine de lire, et nous sentons leur cadence et leur harmonie. L’auditeur est plus indulgent que le lecteur, parce qu’il est plus flatté par les