Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/42

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ému des peintures de l’Astrée, se crut le successeur de ces bergers galands qui n’eurent jamais d’autre patrie que les estampes et les tapisseries. Son imagination alterée lui fit faire des extravagances semblables à celles que Cervantes fait faire en une folie du même genre, mais d’une autre espece, à son dom Quichotte, après avoir supposé que la lecture des prouesses de la chevalerie errante eut tourné la tête à ce bon gentilhomme.

Il est bien rare de trouver des hommes qui aïent en même tems le cœur si sensible et la tête si foible ; supposé qu’il en soit veritablement de tels, leur petit nombre ne merite pas qu’on fasse une exception à cette regle generale : que notre ame demeure toujours la maîtresse de ces émotions superficielles que les vers et les tableaux excitent en elle. On peut même penser que le berger visionnaire dont je viens de parler, n’auroit jamais pris ni pannetiere, ni houlette sans quelque bergere qu’il voïoit tous les jours ; il est vrai seulement que sa passion n’auroit pas produit des effets aussi bizarres, si, pour me servir de cette expression, elle n’eût été entée