Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/440

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car tout s’y montre comme imitation. Rien n’y paroît, pour ainsi dire, que comme copie. Nous n’arrivons pas au théatre dans l’idée que nous y verrons veritablement Chimene et Rodrigue. Nous n’y apportons point la prévention avec laquelle celui qui s’est laissé persuader par un magicien qu’il lui fera voir un spectre, entre dans la caverne où le phantôme doit apparoître. Cette prévention dispose beaucoup à l’illusion, mais nous ne l’apportons point au théatre. L’affiche ne nous a promis qu’une imitation ou des copies de Chimene et de Phedre. Nous arrivons au théatre préparez à voir ce que nous y voïons, et nous y avons encore perpetuellement cent choses sous les yeux, lesquelles d’instant en instant nous font souvenir du lieu où nous sommes, et de ce que nous sommes. Le spectateur y conserve donc son bon sens malgré l’émotion la plus vive. C’est sans extravaguer qu’on s’y passionne. Il se peut faire tout au plus qu’une jeune personne d’un naturel très-sensible, sera tellement transportée par un plaisir encore nouveau pour elle, que son émotion et sa surprise lui feront faire quelque exclamation ou quelques gestes