Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/444

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tout et voir tout, nous ne voïons rien distinctement. Il n’est personne qui n’ait experimenté ce que j’avance, si jamais il lui est tombé dans les mains quelque livre qu’il souhaitât avec beaucoup d’impatience de lire. Avant que d’en pouvoir lire les premieres pages avec une attention entiere, il lui a fallu parcourir son livre d’un bout à l’autre. Ainsi quand nous voïons une belle tragédie, ou bien un beau tableau pour la seconde fois, notre esprit est plus capable de s’arrêter sur les parties d’un objet qu’il a découvert et parcouru en entier. L’idée generale de l’ouvrage a pris son assiete, pour ainsi dire, dans l’imagination ; car il faut qu’une telle idée y demeure quelque-temps avant que d’y bien prendre sa place. Alors l’esprit se livre sans distraction à ce qui le touche. Un curieux d’architecture n’examine une colonne, et il ne s’arrête sur aucune partie d’un palais, qu’après avoir donné le coup-d’œil à toute la masse du bâtiment, qu’après avoir bien placé dans son imagination

l’idée distincte de ce palais.