Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 1733.djvu/443

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Je veux bien tomber d’accord de tous ces faits, qui prouvent seulement que les tableaux peuvent bien quelquefois nous faire tomber en illusion, mais non pas que l’illusion soit la source du plaisir que nous font les imitations poëtiques ou pittoresques. La preuve est que le plaisir continuë, quand il n’y a plus de lieu à la surprise. Les tableaux plaisent sans le secours de cette illusion, qui n’est qu’un incident du plaisir qu’ils nous donnent, et même un incident assez rare. Les tableaux plaisent, quoiqu’on ait présent à l’esprit qu’ils ne sont qu’une toille sur laquelle on a placé des couleurs avec art. Une tragedie touche ceux qui connoissent le plus distinctement tous les ressorts que le génie du poëte et le talent du comédien mettent en œuvre pour les émouvoir. Le plaisir que les tableaux et les poëmes dramatiques excellens nous peuvent faire, est même plus grand lorsque nous les voïons pour la seconde fois, et quand il n’y a plus lieu à l’illusion. La premiere fois qu’on les voit, on est ébloüi de leurs beautez. Notre esprit trop inquiet et trop en mouvement pour se fixer sur rien de particulier, ne joüit veritablement de rien. Pour vouloir parcourir